Demain, c’est ma première fête des mères
A la veille de la fête des mères, je souhaite partager mon propre témoignage de maman. Voici humblement ma propre expérience, qui je le comprends bien sûr, ne représente pas celle de toutes. En ma première fête des mamans, je souhaite à toutes les mamans ou futures mamans autour de moi qu’on prenne tout simplement le temps de leur demander comment elles vont plus souvent. Aujourd’hui, je souhaite qu’on accepte plus de parler du postpartum des mamans.
Ma fille aura 1 an dans moins d’un mois. Et même si je prévois lui organiser la plus belle fête possible en confinement, avec un beau gâteau et des ballons multicolores et une belle photo d’elle sur mon mur Facebook cherchant à dire au monde entier comment ma cocotte remplie ma vie d’une joie si immense… je ne peux pas m’empêcher de penser que ça fait un an que j’ai passé un moment de terreur dans une salle d’opération d’hôpital.
Ce sentiment de terreur qui me hante horriblement à la date d’anniversaire de ma fille me donne mal au coeur et me fait sentir hyper coupable : c’est mon PTSD. Mon maudit choc de stress post-traumatique. En effet, je fais partie des femmes qui ont développé un trauma lors de leur accouchement. Aujourd’hui, même si ça me coûte d’écrire ces mots, et que c’est difficile d’avouer que ma santé mentale a vacillé lors de la naissance de ma fille, je cherche avant tout à normaliser ce que certaines mamans (pas toutes puisque nos réalités sont toutes différentes) peuvent vivre.
Il y a un an ma fille est née. Elle était magnifique et belle, et elle est devenue rapidement le centre de mon univers. Lorsque ce sera sa fête, je vais célébrer sa vie comme jamais. Comme tous les jours de ma vie, je vais m’occuper d’elle comme de la prunelle de mes yeux. Mais, il y a un an, une maman aussi est née. Une maman, qui comme toutes les mamans du monde, veut le meilleur pour son enfant, mais dois d’abord apprendre à petits pas comment le faire, le jour, la nuit, le jour, puis encore la nuit. C’est exigent devenir maman.
A la maison
Après mon accouchement par césarienne d’urgence, je suis revenue chez moi, avec une bonne dose d’anti-douleurs. Je n’avais aucune idée de la façon dont je devrais m’occuper de ma cicatrice. A l’hôpital, on m’a dit de ne pas nettoyer directement ma plaie, mais de seulement laisser couleur l’eau savonneuse sur mon corps et que ce serait suffisant.
Je suis à la lettre ces conseils, je redoute l’arrivée de l’infirmière qui dans deux jours m’enlèvera les épingles de métal. Entre temps, je découvre que je suis incapable de me coucher dans mon lit, ma cicatrice fait trop mal. J’ai mal, j’ai mal. Je ne peux me rendre à la salle de bain, la cuisine, le salon, sans m’appuyer fortement sur une chaise. On me dit de bouger, je bouge malgré la douleur. Le reste du temps, je dors assis, je mange assis, j’allaite à la même place toujours assis, j’ai mal, j’ai mal, je prends soin de ma fille. Je ne comprends pas ce qui est arrivé à mon corps. L’infirmière arrive chez moi quelques jours plus tard.
- Ouu, t’as l’air palette!
Elle était vraiment gentille, et après plusieurs jours de souffrance, c’est la première personne qui me parle de la manière la plus efficace d’empêcher la douleur reliée à ma cicatrice dans mes mouvements : prendre un coussin et de peser fortement sur celle-ci, afin de l’immobiliser. Sans mouvement de la cicatrice, je devrais ressentir bien moins de douleur. Je l’écoute, et même si c’est vraiment contre-intuitif, c’est un très bon conseil. Si quelqu’un me l’avait dit à l’hôpital, j’aurais moins souffert.
Le soir, fatiguée, je me mets à pleurer… pleurer plus que parce que prendre soin de ma fille est une grande tâche, je pleure parce je me sens incompétente. Est-ce que je suis une bonne mère?Je fais ma première crise de panique : à ma grande surprise, je découvre que j’ai vécu un trauma lors de mon accouchement. Je découvre aussi que je ne peux ni pleurer, ni rire, suite à ma césarienne, car tout mouvement de ma cicatrice me fait atrocement mal : lorsque ça m’arrive, je serre mon coussin en silence. Souvent, je suis seule avec ce gros paquet d’émotions.
A Salluit
En septembre, j’arrive à Salluit. Ma cocotte a trois mois. J’essaie de recommencer à m’entraîner, mais je suis incapable de le faire. Je ressens la pression sociale de retrouver mon corps d’avant, mais je n’y arrive pas. J’ai mal dans mon ventre, j’ai mal dans la zone entre ma cicatrice et mon nombril. A la surface je ne sens plus rien. Ni le froid, ni le chaud, rien, c’est complètement engourdit à l’endroit ou les nerds ont été coupés. Mon ventre enfle chaque fois que je fais de l’exercice physique. Durant l’été, j’ai passé deux types d’échographies pour voir d’ou venaient ces douleurs inexpliquées. Je ne connais rien en médecine, j’ai peur qu’un de mes organes ne soit décrochés. Les échographies ne révèlent rien, mon médecin me dit que tout est beau.
Je vais à tous les rendez-vous de routine pour ma fille, on me demande constamment comment elle va. Elle va bien. Moi, j’ai quand même mal, je ne sais pas à qui en parler. Je passe des heures chaque soir à essayer de trouver des informations sur internet. Je pleure en regardant mon ventre amoli, mon incapacité à faire les sports que j’aime. Le soir, entre deux boires de ma filles, je revis constamment mon accouchement. Les émotions me submergent un jour après l’autre. Après quelques mois en congé de maternité, j’ai commencé à trouver ça dur que mon identité soit intrinsèquement liée au fait d’être une maman. Sans mon travail, mon rôle de mère prend toute la place et même si j’aime de tout mon coeur ma fille, ça me fait quelque chose de ne plus être seulement -Andy- pour une fois. De ne presque plus me faire demander comment ça va, moi.
Je prends rendez-vous avec un psychologue pour faire de la thérapie par téléphone : il n’y a pas de ressource sur place ou j’habite. Je me sens atrocement seule avec ce que je vis. Je passe presque toutes mes journées seule avec mon bébé. Tous les mardis soirs, je peux enfin parler de mon accouchement à quelqu’un. C’est difficile de parler d’un sujet aussi intense le temps d’un potluck sur le coin d’une chaise, une chance que j’ai ma psy. Le diagnostique tombe : syndrome de choc post-traumatique.
Décembre, j’ai toujours aussi mal. Je me désole de savoir ce que j’ai. J’hésite à aller à la clinique du village, mais je n’en peux plus. Finalement, après une échographie d’urgence, la médecin me dit tout doucement, que le mal peut être fortement relié à la douleur psychologique… et à des adhérences. C’est la première fois que j’entends cela. Qu’est-ce que des adhérences, comment j’ai pu ne pas en savoir plus, plus tôt? Je découvre que du tissus cicatriciel s’est formé entre des organes qui ne sont normalement pas relié : ce qui crée de l’inflammation et donc de la douleur constante. On me demande d’arrêter de faire du sport pour 6 semaines, ce que je fais.
6 semaines plus tard, je retente de faire du ski de fonds, de la course, de la marche et de l’entraînement. La douleur revient tout-de-suite. J’ai de la misère à accepter ce nouveau corps que je sens brisé… Je vis avec mon PTSD au quotidien. Parfois j’essaie d’aller marcher avec des amies, mais j’ai des réactions très émotionnelles : j’ai peur que ma cicatrice ouvre, même si rationnellement, c’est strictement impossible. Je continue mes rencontres avec ma psychologue par téléphone.
Janvier, je commence à voir la lumière au bout du tunnel et à m’adapter à mon rôle de maman nordique. J’accepte que j’ai vécu un trauma à l’accouchement. J’accepte que j’ai des adhérences et j’essaie de trouver des solutions. Depuis le début, j’essaie de trouver des solutions. Je suis une maman, je trouve des solutions. Je m’abonne à des podcasts sur les césariennes, des groupes Facebook, des comptes Instagram qui parlent de cette réalité. Je découvre que je peux masser ma cicatrice pour en modifier l’apparence et en améliorer la mobilité, je découvre que d’autres mamans ont vécu ma réalité, je découvre qu’il y a des solutions, que je peux améliorer la sensibilité de ma peau ou les nerds ont été coupés.
Je vais mieux. Plusieurs mois après la naissance de ma fille, je commence à guérir psychologiquement et physiquement. Je suis loin d’avoir retrouvé mon corps d’avant accouchement, mais je m’en fous, je me concentre sur mes progrets.
Mars – Je pars en Nouvelle-Zélande. Voyager avec un bébé est exigent, mais faire ce que j’aime vraiment me remplie d’énergie. Je continue à remonter la pente.



Parler plus du postpartum des mamans
Aujourd’hui, ca va bien, ça va mieux. J’ai enfin des mots pour décrire ce que j’ai vécu, pour nommer ce que je ne savais pas nommer, parce que je ne savais tout simplement pas que cela existait.
Pourquoi, je partage mon histoire? Je ne peux m’empêcher de penser à combien mon processus de guérison aurait été plus rapide si j’avais été mieux informée sur les conséquences possible de la césarienne d’urgence sur mon corps. Je ne peux m’empêcher de penser combien tout cela aurait été plus facile si je me serais sentie moins seule avec tout cela.
Nous devons plus parler du postpartum des mamans – psychologique et physique.
Nous devons demander aux mamans comment elles vont, césarienne ou pas, pandémie ou pas. C’est un grand et immense rôle être maman, et dans tous les aspects de ce rôle, célébrons leur dévouement et leur désir quotidien de donner leur meilleur, tout en restant elle-mêmes.
Envie d’en savoir plus sur mon parcours de maman? C’est par ici :
https://pleinairvoyagesetcompagnie.com/2019/06/24/la-maternite-est-un-voyage/